Avec l’avènement d’internet et particulièrement l’apparition des réseaux sociaux depuis une bonne dizaine d’années, les plateformes numériques ont redéfini les interactions sociales et la perception de soi, particulièrement chez les adolescents.
Instagram et TikTok, en tant que géants des réseaux sociaux axés sur le visuel et la performance, sont au cœur de cette transformation. Leur omniprésence dans la vie quotidienne des jeunes soulève des questions cruciales sur leur impact sur l’estime de soi, un pilier fondamental du bien-être psychologique durant cette période charnière de construction identitaire. Dans cette recherche, nous allons tenter de comprendre comment l’utilisation d’Instagram et TikTok peut influencer l’estime de soi des adolescents,
L’immersion des adolescents dans l’écosystème des réseaux sociaux
L’adolescence est une période de vulnérabilité où la recherche d’identité et d’appartenance est primordiale. Traditionnellement, cette quête se déroulait au sein de cercles sociaux restreints. Aujourd’hui, les réseaux sociaux ont exponentiellement élargi cet espace de comparaison sociale. Les adolescents sont constamment exposés à des milliers d’images et de vidéos, souvent soigneusement sélectionnées et éditées, présentant des versions idéalisées de la vie d’autrui. Sur Instagram, c’est l’esthétique et la mise en scène de la vie qui priment, tandis que TikTok met l’accent sur la créativité, la performance et la viralité. Cette exposition continue peut créer une dissonance entre la réalité vécue et l’idéal perçu en ligne, alimentant ainsi un sentiment d’inadéquation et d’insatisfaction.
Instagram : Le labyrinthe de la perfection fictive et de la comparaison esthétique
Instagram, avec son interface dominée par l’image, a profondément ancré la notion de perfection visuelle. Les adolescents sont inondés d’images retouchées, filtrées, et souvent manipulées, dépeignant des corps « parfaits », des modes de vie « glamour » et des réussites « faciles ». Cette exposition constante à des standards de beauté et de succès irréalistes peut entraîner une intériorisation de normes inatteignables, conduisant à une insatisfaction corporelle et à un sentiment d’infériorité.
La culture des « likes » et des commentaires, bien que conçue pour être une forme de validation sociale positive, se mue souvent en une quête incessante d’approbation externe. Chaque publication devient un baromètre de la valeur personnelle. Un faible nombre de « likes » ou l’absence de commentaires positifs peut être interprété comme un rejet social ou une insuffisance personnelle, affectant directement la valeur perçue de soi. Des études ont clairement établi un lien entre l’utilisation intensive d’Instagram et une augmentation de l’anxiété, de la dépression et une faible estime de soi chez les adolescents, avec une prévalence plus marquée chez les jeunes filles qui sont particulièrement ciblées par les injonctions esthétiques (Vannucci et al., 2020). L’aspect cumulatif de ces comparaisons, jour après jour, peut éroder lentement mais sûrement la confiance en soi.
TikTok, avec ses vidéos courtes, musicales et ses défis viraux, introduit une nouvelle dynamique influente. La plateforme encourage activement la création de contenu original et la participation à des tendances éphémères, poussant les adolescents à se mettre en scène et à chercher la reconnaissance à travers la performance. La popularité sur TikTok est souvent mesurée par le nombre de vues, de « likes », de partages et la capacité à devenir « viral ». Cela crée une pression intense à la performance et à l’originalité.
Les adolescents peuvent consacrer des heures à perfectionner leurs chorégraphies, leurs sketchs ou leurs montages, anxieux du jugement d’un public potentiellement mondial. Ceux qui ne parviennent pas à atteindre un certain niveau de popularité ou dont le contenu ne « performe » pas comme espéré peuvent ressentir un sentiment d’échec, d’insuffisance ou d’exclusion. De plus, les « corps parfaits » mis en avant dans les danses ou les démonstrations physiques sur TikTok peuvent également alimenter la comparaison corporelle et l’insécurité, de manière similaire à Instagram mais avec une dimension de mouvement et de performance ajoutée (Drenten et al., 2020). La nature addictive des algorithmes de TikTok, qui proposent du contenu toujours plus engageant, peut également inciter à une consommation excessive, réduisant le temps alloué à des activités plus structurantes pour l’estime de soi.
La solution : Forger une estime de soi résiliente à l’ère numérique ?
L’influence d’Instagram et TikTok sur l’estime de soi des adolescents est indéniable, multiforme et parfois insidieuse. Si ces plateformes offrent des opportunités de connexion, d’expression créative et de découverte, elles présentent également des risques significatifs liés à la comparaison sociale incessante, à la pression de la performance et à l’exposition à des standards de vie irréalistes.
Il est donc impératif que les adolescents, leurs parents et les éducateurs soient pleinement conscients de ces dynamiques. En travaillant ensemble, par une éducation éclairée, la promotion d’un équilibre entre vie en ligne et hors ligne, et le soutien à une auto-compassion authentique, nous pouvons aider les jeunes à naviguer dans ce paysage numérique complexe et à construire une estime de soi saine, ancrée dans la réalité de leur être plutôt que dans l’éphémère des écrans. L’objectif n’est pas de diaboliser ces outils, mais de les transformer en des espaces où le bien-être psychologique des jeunes est la priorité absolue.
Cependant, face à l’évolution exponentielle des réseaux sociaux et à leur influence toujours plus profonde, comment pouvons-nous garantir que les plateformes de demain soient conçues pour promouvoir le bien-être et l’estime de soi des adolescents, plutôt que de les compromettre ? seul l’avenir nous le dira…
